Est-ce les années passant et les conséquences en résultant pour moi au plan physique et psychologique mais je suis de plus en plus édifié par la multiplication de ces situations prétendument urgentes où la précipitation, telle une évidence, semble convenue comme le principal moteur nécessaire à leur résolution.
Pourtant, chacune et chacun d’entre nous connaît depuis sa prime jeunesse ce dicton maintes fois répété par des éducateurs bien intentionnés : « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ». Autrement dit, face à l’urgence, devons-nous faire preuve de précipitation ou, étonnamment, de patience ?
L’univers de l’immédiateté
Il est édifiant de constater combien le temps semble s’être rétréci en l’espace de quelques décennies seulement. Comme si nous avions lavé notre linge existentiel à une température trop élevée. Plus que jamais, la théorie de la relativité proposée par Einstein trouve là toute sa pertinence. Rappelons-nous toutefois que ce célébrissime savant évoquait plus la notion d’élasticité que de rétrécissement. Y aurait-il donc des conditions qui prévaudraient à une temporalité à géométrie variable ? Et, par conséquent, si tel était le cas, l’Homme en serait-il parfois l’auteur ou seulement la victime expiatoire ?
Vastes questions me direz-vous qu’il me semble pourtant important d’évoquer, tant leurs conséquences sont multiples, du plus ponctuel et insignifiant de nos actes à la plus durable et impactante de nos décisions.
Bien évidemment, vous aurez compris qu’il n’est pas question pour moi de prolonger ce propos scientifique dans sa teneur cartésienne mais plutôt de le réutiliser sous forme de métaphore dans le champ des sciences sociales.
Il est incroyable de constater qu’au cours du XXème siècle, l’espérance de vie moyenne en Europe occidentale a quasiment doublé. Et pourtant, jamais le sentiment désagréable de devoir en permanence courir après le temps n’a été ressenti par autant de personnes.
En toute logique, nous devrions donc être plutôt préoccupés par la manière de gérer cette abondance sans cesse croissante de temps plutôt que de jouer d’économie, souvent vaine et surtout génératrice de stress.
La peur de manquer
Qui se précipite a peur et a surtout peur de manquer. Par conséquent, ce culte de l’avoir plutôt que de l’être caractérise à ne pas en douter notre civilisation dite moderne. Nous avons en effet développé ce que j’appelle le syndrome d’accumulation. Comme si de posséder de plus en plus devait nous mettre à l’abri du pire, c’est-à-dire de la mort. Sigmund FREUD comme Wilhem REICH ou Herbert MARCUSE établissent un inventaire des frustrations de plus en plus nombreuses qui génèrent in fine cette dynamique morbide. Se rajoute à ce premier constat une seconde réalité également fortement anxiogène qui est l’incertitude du lendemain. Il fut une époque assez récente encore dans l’histoire de l’humanité où les prédestinées sociale et sociétale régnaient en maîtresses. Qui voulait réussir n’avait qu’à reproduire l’œuvre de ses aînés. Aujourd’hui, hors le champ de la morale, plus rien ne peut être qualifié d’immuable et de durable. Enfin, les conditions de la communication ont considérablement évolué, que ce soit sur le plan technique et technologique. Ceci conduisant à renforcer dans son immédiateté cette exigence d’avoir, dès l’instant où on le veut parce que l’on sait. Situation en fin de compte bien inconfortable et que peu d’individus vivent sereinement. La médecine sort à ce sujet des statistiques édifiantes sur l’émergence de pathologies nouvelles, souvent lourdes de conséquences.
Alors que faire ?
Forts de ces constats, le bon sens le plus élémentaire devrait justement nous conduire à arrêter de faire. Malheureusement, cette course effrénée dont notre inconscient connaît très précisément le terme pour nous en alerter (burnout, dépression, violence croissante dans les relations humaines,…) nous oblige, pour celles et ceux qui préfèrent le bonheur au malheur, à entreprendre avec volonté des changements personnels parfois radicaux autant que salutaires sur le plan comportemental.
Je convie déjà chacune et chacun à vivre à l’échelle de son temps et d’exiger alors d’être ainsi respecté autant qu’il se respecte. Chacun vit selon un rythme qui lui est propre. La chronobiologie le rappelle sans cesse. Socialement, notre attention, motivée par la connaissance que nous avons de notre personne, doit nous conduire à nous rapprocher de celles et ceux dont le rythme de vie personnelle et professionnelle est, si ce n’est identique, tout du moins suffisamment proche du nôtre. Vous avez certainement constaté combien un tel état était source de bien-être et donc d’épanouissement.
Ensuite, il faut accepter une bonne fois pour toute de « donner du temps au temps ». Toute situation, pour aboutir favorablement, a besoin d’un temps de gestation plus ou moins long. Y contrevenir conduit fatalement à de l’insatisfaction, de la frustration et des échecs retentissants. Pour ce faire, il convient donc de ne pas seulement réagir aux situations mais bien de se placer dans une véritable dynamique d’anticipation facilitée par des temps réguliers d’analyse situationnelle. Autrement dit, de prendre le temps de la compréhension de ce qui a été réalisé et vécu pour en valoriser les effets bénéfiques ou remédier aux défaillances constatées. Et l’urgence de certaines situations y trouvera mieux encore son compte par cette capacité ainsi développée d’apporter aux véritables causes les bons remèdes au vu d’une échéance réaliste. Les Pompiers connaissent parfaitement cette approche qui nous permet de bénéficier de leur part d’une efficience optimale en toutes circonstances.
Savoir perdre du temps. Non pas de manière passive, oisive ou fataliste mais bien par l’emploi de moments d’observation, de contemplation ou de méditation. Qu’il s’agisse de soi ou de son environnement. Cette course effrénée que nous nous imposons nous conduit, tel le passant qui regarde ses pieds, à régulièrement nous prendre en pleine face le lampadaire que nous n’avions bien évidemment pas vu sur notre passage.
Enfin, acceptons de vivre pleinement l’instant présent plutôt que de nous focaliser uniquement sur ce que sera demain. Sachons apprécier chaque instant de notre vie comme l’aboutissement d’un processus réussi et tirons-en le meilleur bénéfice en matière de contentement. Car c’est bien le sentiment de satiété qui rassure et réconforte. Ce n’est jamais celui d’une faim inassouvie.
François BOUTEILLE
www.francoisbouteille.com
Bibliographie
Manager l'urgence - Charles CANETTI - Editions DUNOD
Gérer l'urgence ? - Pascal WETS - Editions EDIPRO
Vitesse ou précipitation ? - Philippe PERET - Editions KONUNGSBOK
Super votre article plein de vérités souvent inavouées
J 'ai l' habitude dire que " L' urgent c' est quand c' est déjà trop tard"
Ce besoin de connaitre instantanément la réponse à toutes questions est aujourd ' hui de plus en plus présent dans tous les domaines de la vie personnelle et professionnelle , mais nous n' avons pas d' autres solutions que de vivre avec notre temps !!
Gilles
Rédigé par : dintroux gilles | 29 mars 2017 à 09:49
Au sujet du rétrécissement du temps évoqué en introduction, je suggère de se rapprocher du constat scientifique nommé "La Résonance de Schumann" et de ses conséquences, très facilement consultable sur Internet.
Rédigé par : Céline | 29 mars 2017 à 10:34
Bonjour,
Au sujet du rétrécissement du temps évoqué en introduction, je suggère de se rapprocher du constat scientifique nommé "La Résonance de Schumann" et de ses conséquences, très facilement consultable sur Internet.
Céline Tripoz.
Rédigé par : Céline Tripoz. | 29 mars 2017 à 17:23
Super votre article plein de vérités souvent inavouées J 'ai l' habitude dire que " L' urgent c' est quand c' est déjà trop tard" Ce besoin de connaitre instantanément la réponse à toutes questions est aujourd'hui de plus en plus présent dans tous les domaines de la vie personnelle et professionnelle , mais nous n' avons pas d' autres solutions que de vivre avec notre temps !!
Gilles
Rédigé par : Gilles Dintroux | 29 mars 2017 à 17:31
Bonjour,
merci François pour tes écrits qui nous interpellent régulièrement sur notre quotidien.
Oui nous avons peur de manquer, oui nous voulons posséder de plus en plus……..
Mais aussi comme tu le dis « les conditions de la communication ont considérablement évolué »
Nous voulons être informé en temps réel sur l’actualité du moment, sur l’actualité professionnel, sur l’actualité de nos passions.
Les réseaux sociaux nous donnent accès à cette actualité mais aussi, nous donne la possibilité de la commenter et de l’échanger avec nos proches, nos amis et, nos relations.
Cela nous pousse à réagir rapidement, cela peut perturber notre concentration du moment, cela peut nous mettre en retard sur notre programme initial…..
Quelle école, quel management nous apprend à se déconnecter pour mieux se reconnecter avec nous-même et ainsi prendre le temps de………. ?
Bien cordialement,
Denis Péraudin
Rédigé par : Denis Péraudin | 30 mars 2017 à 00:57