Que vous souhaiter en ce début d’année ? Qu’espérer de mieux pour votre bonheur personnel comme pour celui que vous voulez partager ? Pour respecter cette tradition des vœux, je pourrais employer ces formules surannées dont on peut interroger la réelle sincérité. Car, en réalité, souhaiter engage par l’attention que l’on prête à l’autre en cette circonstance de surcroît maintes fois réitérée au cours de la vie. Et s’intéresser commence par observer. Que nous réserve donc notre environnement qui nous suggère ces vœux mille et une fois renouvelés telle une formule magique devant développer l’invincibilité de son destinataire face à l’adversité ? Et surtout, que souhaitons-nous en faire ?
Une actualité inquiétante
Il est vrai qu’au-delà de la dramaturgie savamment orchestrée et entretenue par la Presse à des fins autocentrées parce qu’éminemment mercantiles, l’actualité a de quoi inquiéter. Il apparaît par conséquent à bon nombre d’entre nous de plus en plus illusoire d’espérer, tant un certain culte du mal-être, tel un Alien démoniaque, a pris ancrage dans nos inconscients en déficit récurrent de quiétude, douceur, joie, confort, soulagement, jouissance, euphorie, satisfaction, quiétude, félicité, aisance, agrément, prospérité, contentement, relaxation, béatitude, bonheur, luxe, sérénité, détente… Et j’en passe et des meilleurs.
Aussi, vais-je ici prendre délibérément le contrepied, au risque d’apparaître une fois de plus à certains comme un idéaliste et doux rêveur suspect d’une forme d’irresponsabilité voire d’immaturité (ce que j’assume bien volontiers), en vous souhaitant haut et fort un bien être permanent, vivant au cœur de chacune de vos relations, à commencer avec vous-même. Rien en effet permet d’affirmer que qui que ce soit n’en mérite pas ou plus l’existence et le bénéfice, bien au contraire justement.
Le bien-être, sinon rien
Le bien-être est trop souvent convenu à tort comme la résultante, l’aboutissement d’un processus réussi produisant alors tous les effets bénéfiques listés plus haut. Je vous convie à le considérer au contraire comme un préalable à tout. Notre culture, telle est mon humble lecture de notre histoire, nous prête déjà à penser que profiter du bien-être se mérite. Comme si nous étions à l’origine d’un conflit intra et interpersonnel permanent et imparable qui, par conséquent, nous en priverait. Telle une punition assénée en retour par je ne sais qui. Ceci renvoyant à cette pensée philosophique définissant l’homme par principe comme mauvais. Ce contre quoi je m’insurge. Et je vous invite avec vigueur à en faire de même. En effet, si l’homme était originellement ainsi conçu, plus rien en effet ne prêterait à espérer quelque meilleur que ce soit. Et la mort qui roderait serait en fin de compte la seule réalité qui compterait avant même que de se manifester in fine. J’avoue qu’un tel programme ne m’intéresse absolument pas, moi l’optimiste borné, l’hédoniste utopiste, l’épicurien insatiable en recherche permanente de bonheur accru. De plus, qui dit morbidité, dit agressivité, suspicion et bien d’autres postures ou comportements encore ne pouvant que donner naissance en nous à l’Alien évoqué plus haut. Personnellement, je ressens aujourd’hui une forme d’étouffement insupportable à subir et aussi à participer parfois, je dois le reconnaître, à une telle gestation.
Je vous recommande le film d’Yves ROBERT, sorti en 1968 et intitulé « Alexandre le bienheureux ». Il illustre à la perfection mon propos sous forme de souhait, de manière à la fois humoristique et philosophique. Une réplique d’Alexandre résume tout de manière édifiante : « A force d’aller mal, tout va bien ! » Et ne nous trompons surtout pas. Exister ainsi en nous faisant les hérauts du bien-être ne prêtre pas à l’oisiveté ou à d’autres défauts du même acabit, bien au contraire. Comme si laisser le temps au temps était préjudiciable, dégradant ou dangereux. Mais dangereux pour qui ? Qui peut trouver dans cette respiration de la vie, dans cette expression de la liberté un quelconque danger si ce n’est justement celles et ceux qui ménagent par là-même une forme d’existence morbide par l’oppression de soi et, par conséquent des autres ?
La bienveillance avant tout
Alors, comment s’y prendre concrètement, au-delà du seul souhait, tant notre inconscient collectif est mal équipé pour une telle entreprise? Tout se résume magnifiquement à la posture de bienveillance. Il est vrai que ce terme est souvent absent de nos pensées comme de nos discours. Ce qui n’est, bien évidemment, pas le fruit du hasard. Alors, acceptons déjà de prendre quelques instants pour en rappeler et en comprendre le sens. Les habitants du continent asiatique en ont une approche plus construite et partagée que nous, aussi bien sur le plan postural que relationnel. Elle est décrite comme étant la capacité à se montrer indulgent, gentil et attentionné envers autrui, d’une manière désintéressée et compréhensive. Elle est ainsi comprise comme une qualité, la volonté visant le bien et le bonheur d'autrui, en toute réciprocité, à commencer par le regard porté sur soi-même. Vous conviendrez avec moi qu’il est en effet inconcevable de participer au bonheur des autres en ne commençant pas par cultiver le sien. Et ceci, hors toute forme d’égoïsme ou d’égocentrisme comme le laissent croire de manière justement intéressée certains. Là est bien la première réciprocité à développer.
Et l’acte qui permet de donner corps à cette bienveillance s’appelle la reconnaissance de ce qui est, de ce qui fait chacun, sans jugement de valeur ou blessure narcissique. En prenant alors soin d’identifier et de partager en premier lieu ce qui est propice au meilleur et non, comme c’est trop souvent le cas, l’insatisfaisant, l’imparfait.
Là encore, ne nous trompons pas. Il n’est pas question de faire œuvre d’une quelconque complaisance. Ce qui doit être en un tel cas dit doit l’être mais avec un propos objectivé et une attitude déterminée qui prêtent tous deux à construire et non à détruire, à aider et non à handicaper plus encore. Porter estime, avoir de l’estime pour, permet de s’essayer à cet exercice difficile parce que souvent culturellement nouveau. En se rappelant enfin qu’estimer n’est pas entreprendre l’excès mais bien évaluer la réalité à sa juste mesure.
Sur ce, je vous invite en cette nouvelle année au bonheur. Comme Confucius le disait : « La bienveillance fait l'homme ».
François BOUTEILLE
www.francoisbouteille.com
Bibliographie
Plaidoyer pour l'altruisme - Matthieu RICARD - Éditions AUDIOLIB
La stratégie de la bienveillance - Juliette TOURNAND - Éditions INTEREDITIONS
La bienveillance au cœur de l'entreprise - Franck MARTIN - Éditions DE BOECK UNIVERSITE
Osez la bienveillance - Lytta BASSET - Éditions ALBIN MICHEL
Changement dans la violence - Yves MICHAUD - Éditions ODILE JACOB
Vivre avec les autres - Jacques SALOMÉ - Éditions J'AI LU
Merci pour ces pensées positives qui font un grand bien !
Gilles C.
Rédigé par : Gilles C. | 24 janvier 2017 à 22:41
Ça fait réfléchir en effet....
Pas si simple mais la présentation encourage à la bienveillance tant citée
C'est une culture et il apparaît tellement confortable qu'on voudrait déjà s'y trouver...
Merci pour cet instant de pause à la réflexion car C'EST bien de réflexion dont il s'agit...
À relire plusieurs fois pour s'en imprégner
Rédigé par : Christophe D | 25 janvier 2017 à 08:42
Ça fait réfléchir en effet.... Pas si simple mais la présentation encourage à la bienveillance tant citée C'est une culture et il apparaît tellement confortable qu'on voudrait déjà s'y trouver... Merci pour cet instant de pause à la réflexion car C'EST bien de réflexion dont il s'agit... À relire plusieurs fois pour s'en imprégner.
Rédigé par : Christophe D. | 25 janvier 2017 à 17:04