Il y a le temps qu’il fait et celui qui passe.
Je ne sais pas si l’Homme aspire à l’éternité mais pour ce qui me concerne, le temps m’est compté et je tiens à ce qu’il en soit ainsi.
Cela peut paraître paradoxal pour qui aspire comme beaucoup à quelques vacances.
Pour autant, le cadre institué qu’est le temps compté donne toute sa saveur aux évènements qui se présentent à nous et surtout à ceux que mon impatience m’impose dont ce moment chéri parmi tous, la trêve estivale.
Faire la pluie et le beau temps…
Mais fera-t-il beau et chaud ? Ou bien les alertes météo répétées nous convient-elles à un relatif pessimisme contrevenant à cette indispensable condition pour que nous puissions à la rentrée parler à notre entourage, avec cette fierté à peine dissimulée, de vacances réussies. A vrai dire, peu m’importe. Je n’hésite pas en effet à affirmer que ne pas encore maîtriser le temps qu’il fera est pour moi rassurant. Cette imprévisibilité assurée me permet enfin de sortir durant quelques semaines du tout programmable programmé.
J’avoue que découvrir à mon lever, chaque matin, d’un regard posé, circulaire et contemplatif, l’état du ciel me repose et m’apaise. Mieux encore, je peux enfin apprécier ce miracle de la vie fait de bleus et de gris nuancés, de lumières changeantes, de nuages en partance plus ou moins abondants, de pluies éparses ou drues, de brises légères ou de rafales puissantes, d’airs salins ou continentaux. Le temps donne alors aux paysages des allures nomades que seule la nuit enfin arrivant semble figer pour quelques heures de répit. Où les bruits envahissent progressivement le champ du visible, lui donnant cette immensité dont prennent alors possession les rêves, les confidences et les projets.
Le temps affute nos sens, les irrite parfois, au point de nous donner la chair de poule ou de nous obliger à protéger ces regards qui nous permettent de voir. Et le vent se met à froisser l’air par filets ou paquets, près de nos oreilles agréablement émoustillées ou agacées à l’excès.
Le temps décide et rien ou presque ne peut y contrevenir. Qu’il s’agisse en retour de balades, de visites, de tranquilles siestes à l’ombre d’un manguier ou près de l’âtre.
Il approvisionne selon le cas nos repas et nos breuvages, les rendant assurément rafraichissants ou chaleureusement réconfortants.
Il transporte ainsi notre humeur au gré des caprices de l’instant, éternel enfant qui réjouit autant qu’il énerve par ses rires et ses pleurs, que rien ne peut interdire vraiment.
Ô temps, suspends ton vol !…
Figure du réel, il signe ce qui est et demeurera, durant de longs mois ensuite, ces souvenirs qui aident à survivre dans cette litanie incessante d’évènements trop souvent douloureux et exsangues. Je l’accepte passant mais je souhaiterais tant qu’il retienne son souffle, juste quelques instants, histoire de profiter encore et encore de ces moments de bonheur simple, joyaux éphémères sans prix que seule la force de la pensée peut contenir dans ses rais, tels les mots du poète chéri.
Ici et maintenant, telle est la devise de l’estivalier en quête de bonheurs immédiats. Et plus je m’applique à cette immédiateté et plus le temps semble me faire la nique en reprenant inlassablement sa course effrénée. Jusqu’à l’instant repoussant ou tel un monstre jusqu’alors endormi, le coffre automobile dévore à nouveau les bagages dans un ordre obligé pour se repaître enfin que d’avoir trop attendu cet instant fatidique.
Les années passent. L’avenir ne se réalise que trop lentement quand le réel s’estompe si vite dans les vapeurs de l’oubli. Albert le savant en avait ainsi découvert l’élasticité toute particulière qui le caractérise. Et comme si cela ne suffisait pas, plus les années passent et plus sa course s’accélère encore, au point de rendre l’instant dérisoire, presque insaisissable.
L’horloger vieillissant et tremblant, pour rester en vie, doit alors aiguiser inlassablement ses cinq sens avec une dextérité qui pourtant, peu à peu, l’abandonne.
Comment profiter du temps si ce n’est en vivant pleinement l’instant ? Tout le reste n’est que trafic de la pensée inquiète de ne pouvoir posséder ce qui, par je ne sais trop quel mystère imbécile, lui serait dû. Vivre, telle l’envie l’assène à celui qui entend encore, consiste certainement en cet exercice o combien difficile du lâcher prise. Se poser et contempler. Contempler sans arrière-pensée ce qui se présente immédiatement et, l’ayant compris dans ce qu’il a de plus authentique, le laisser repartir sans nostalgie. Bâtir le creuset du réel. Se remplir pour ce faire, à s’en crever la panse, d’émotions positives. Telle est l’œuvre du sage, la tâche de celui qui veut faire du temps son indéfectible amant.
Le peintre observe avant tout le paysage. Il se délecte et le déguste en silence. Il se remplit de ce que lui livre sans retenue ou fausse pudeur ce fournisseur du Beau et du Désirable. Puis il emplit sa palette de couleurs comme autant de sentiments qu’il mélange et enlace savamment, dans un élan de tendresse infinie. L’œuvre qu’enfin il impose à la toile est le signe tangible mais surtout l’expression reconnaissante du don que le temps passé à contempler vient de lui offrir.
Je souhaite que ces vacances tant attendues vous enthousiasment, marquent et colorent agréablement vos esprits en vous libérant durablement des tracas du quotidien.
François BOUTEILLE
www.francoisbouteille.com
François
Dieu que c’est agréable à lire ….
C’est de la poésie, on se laisse aller, on se laisse porter par ces phrases qui s’enchainent naturellement, avec quelques vers et quelques rimes qui ne nous sont pas pour nous déplaire ….
Je ne sais pas le temps (encore lui) passé pour écrire ce texte, mais sois en fier.
Merci pour cet instant de sérénité, qui vient à point,….. à la reprise du travail !
Mon état psychique d’avant les vacances ne m’aurait pas permis d’apprécier ces lignes à leur juste valeur.
C’est mieux ainsi !
Bien à toi
C.D.
Rédigé par : C.D. | 13 septembre 2016 à 10:18