A un moment où il devrait être sur toutes les lèvres et monopoliser les colonnes des journaux économiques, je n’en entends pas ou plus parler.
Est-il à ce point intégré au fonctionnement habituel de l’entreprise ou connaît-il quelques vicissitudes là où le combat commercial conduit de nombreux dirigeants à réagir plus qu’à anticiper ? La médecine traditionnelle chinoise prétend qu’il vaut mieux prévenir que guérir.
Le marketing, que d’autres appellent la mercatique, serait-il toujours d’actualité ou prévoir n’aurait-t-il plus aucun sens compte tenu de l’imprévisibilité de lendemains qui ne chantent plus ?
Il est clair, pour qui veut développer aujourd’hui son activité, que produire est indispensable. Mais il demeure tout aussi important de savoir pour qui. Un produit ne vaut en effet que s’il est acheté. Le reste n’est qu’illusion et le stock dormant en est malheureusement la conséquence visible et souvent fatale.
Le consommateur gouverne l’entreprise
Le marketing réunit l’ensemble des actions qui ont pour objectif de prévoir ou constater et, le cas échéant, de stimuler, susciter, voire renouveler les besoins des consommateurs, pour ensuite conduire l’entreprise, dans toutes ses composantes (conception, production, vente,…), à s’adapter au plus près des attentes solvables ainsi identifiées et auxquelles elle décide de répondre.
Toute la complexité réside dans le fait que ces besoins peuvent être explicites mais bien souvent aussi implicites. L’art suprême, arme redoutable des stratégies de nature consumériste, consiste à les faire naître quand ils n’existent pas encore.
La régulation de l’offre et la demande
S’il est vrai que le marketing devient une discipline à part entière à partir des années 60 du fait d’une inversion de nature quantitative du rapport de force entre l’offre des entreprises et la demande des consommateurs, cette notion justement de régulation entre offre et demande remonte à l’antiquité (voire plus).
Même si durant plusieurs siècles les consommateurs durent se plier à ce que mettaient sur le marché les acteurs économiques de l’époque, on peut noter que ces professionnels prêtaient une grande attention à la qualité de ce qu’ils concevaient au vu de ce qu’ils estimaient qu’en attendaient ceux qui leur achetaient produits et services. Cela conduira même dès le 17ème siècle à un mouvement de normalisation et de réglementation, de la conception à la commercialisation, appelé Colbertisme. L’activité publicitaire connaît à la même époque un fort développement.
La révolution industrielle de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle va permettre un abaissement conséquent des coûts de production qui, associé à un accroissement des revenus, va générer une consommation de masse. La crise de 29 va avoir pour conséquence directe de conduire à une approche plus scientifique du marketing. Il trouvera enfin ses lettres de noblesse à la sortie de la seconde guerre mondiale avec pour inspiration les travaux de Keynes, économiste britannique pour qui les marchés ne s’équilibrent pas automatiquement et nécessitent donc le recours à des
politiques économiques conjoncturelles. Et ce qui est au niveau des marchés l’est par conséquent au niveau des entreprises.
Cela s’avèrera une nouvelle fois tellement vrai que, si la demande dominait jusqu’alors sur l’offre, dès 1960 la dernière prend l’ascendant sur la première avec la concurrence accrue qui en résulte. Les entreprises vont dès lors devoir revisiter de fond en combles leur rapport au marché.
Marketing et stratégie
Une telle réalité nécessite ainsi que l’entreprise qui souhaite poursuivre son développement se distingue favorablement de ses concurrents en apportant, avant eux et aux meilleures conditions, aux segments du marché sur lesquels elle a choisi de se positionner ce qu’ils exigent.
Dans un tel contexte que la concurrence internationale ne fait que renforcer, le marketing devient éminemment stratégique. Cela signifie qu’il doit faire partie intégrante, structurée et permanente de la réflexion du dirigeant et de son comité de direction quand celui-ci existe. A charge des commerciaux de faire remonter des informations précises sur l’état de satisfaction des clients à l’égard des commandes livrées comme des besoins non couverts et des offres de la concurrence.
Du côté de la demande des clients et prospects, les deux maîtres mots doivent être : écoute et satisfaction. A la direction de valoriser ces informations en les croisant avec celles qu’elle détient sur un plan plus macroéconomique des tendances du marché et des cibles prioritaires. Il s’agit d’un véritable travail de veille qui dépasse de loin les habituelles études de marché ponctuelles confiées généralement à un tiers externe.
Quant à l’offre qui doit en résulter, le travail de conception et de mise sur le marché doit être piloté dans tous les sens du terme. Finie la guéguerre traditionnelle entre production et force de vente. Ce n'est qu’en instaurant les conditions d’un partenariat étroit entre ces deux composantes de l’entreprise que la performance attendue sera au rendez-vous.
7P+1C
Plus concrètement, une fois les choix stratégiques arrêtés en matière de segmentation, le marketing, touchant aussi aux caractéristiques des produits et à leurs modalités de diffusion, emploie des méthodes connues pour leur efficacité dont, par exemple, la règle des 4P que d’autres appellent le mix-marketing : produit, promotion, prix, place. Il faut que l’offre réponde bien aux consommateurs à qui elle est destinée. Les méthodes de promotion doivent permettre vite et bien à celles et ceux à qui est destinée cette offre d’en prendre connaissance, de l’apprécier et de développer chez eux l’envie d’en profiter. Les conditions d’obtention doivent être connues et en adéquation avec les ressources et exigences des destinataires. Enfin, les moyens et les infrastructures permettant la mise à disposition des biens et services commercialisés doivent avoir été judicieusement arrêtés.
Certains rajoutent un 5ème P pour « personne » et un 6ème pour « packaging ». La mobilisation des Ressources Humaines est en effet un facteur clef de succès, en particulier pour ce qui concerne le service après-vente, comme la manière avec laquelle il est conditionné et emballé.
Pour ma part, j’en rajouterais un 7ème pour « partenaires » (fournisseurs, sous-traitants, distributeurs,…) tant la qualité de la relation entretenue avec eux est déterminante et enfin un C pour « concurrents ». Les connaître et apprécier leur offre est incomparablement préférable à leur ignorance et surtout au phantasme de les vouloir tous morts.
Les enjeux pour demain
La question de la croissance durable commence à être posée au niveau du Continent européen et interroge forcément chaque composante de l’économie de notre territoire. Si une entreprise doit irrémédiablement croître, au risque autrement de disparaître, c’est bien de la nature de son développement dont il s’agit désormais et surtout des conditions de sa mise en œuvre.
Le marketing apparaît plus que jamais aujourd’hui comme l’un des principaux outils stratégiques dont elle doit disposer. Il apporte en effet la garantie à celui qui l’emploie de vérifier en permanence le niveau d’adéquation entre la demande et l’offre et ainsi d’envisager, le plus en amont possible, les évolutions de nature commerciale à opérer, chaque fois que nécessaire.
François BOUTEILLE
Bibliographie
Marketing – Sophie ANNEAU GUILLEMAIN – Editions GALINO
Mercator – Jacques LENDREVIC – Editions DUNOD
Le marketing pour les nuls – Alexander HIAMU – Editions FIRST
Marketing RH – Philippe LIGER – Editions DUNOD
Webmarketing – Guillaume EOUZAN – Editions ENI
Les outils du marketing stratégique et opérationnel – Yves PARLOT – Editions EYROLLES
Il est possible et même probable que nous soyons à un tournant et que les modèles sur lesuels j'ai vécu soit maintenant out. Tout est très différent. Le monde avance tellement vite que les humains ne suivent plus. Depuis la généralisation de l'informatique toute ma génération a été écarté du monde. Je ne pense pas que ce soit uniquement dû à la perte de nos moyens physiques. Nous avons beaucoup de peine dans le monde où nous vivons. Je ne sais quoi te dire sur le marketing ... Il s'est peut être divisé en de multiples branches. Merci de me tenir au courant.
C.B.
Bonjour,
Pour ma part, il est des fondamentaux qui n'évoluent pas comme les conditions de la relation humaine pour ce qui concerne sa dimension qualitative. Trop souvent en effet, les nouvelles technologies laissent planer l'illusion que ces relations ne sont plus les mêmes. Seuls les outils de communication ont changé pour partie. Ils n'en demeurent pas moins que ce ne sont que des moyens au service de l'Homme et de ce qu'il entreprend. Le marketing qui leur est lié est un bon exemple des dérives que peut connaître parfois cette discipline.
A nous de demeurer acteurs et vigilants, quel que soit notre âge. Et à vous, les plus anciens, de nous ramener à la raison chaque fois que nécessaire.
François Bouteille
Rédigé par : C.B. | 03 juin 2013 à 16:43
Bonjour,
je vous remercie pour cette analyse, très intéressante et que beaucoup devraient lire.
j'ai beaucoup aimé votre commentaire sur "la guéguerre traditionnelle entre production et force de vente" et je suis d'accord avec vous sur le fait que seule une bonne collaboration entre les 2 peut amener à de bonnes performances, malheureusement je trouve que cette collaboration est plus une utopie qu'une réalité dans de nombreuses sociétés (c'est du moins l'impression que j'en ai, peut etre que je me trompe).
je rajouterais également le 7eme P, "partenaires", car, surtout en BtoB, on ne peut pas faire grand chose sans de bons distributeurs: ils doivent être bien localisés, actifs, connaitre leur marché et surtout remonter l'information sans laquelle le marketing reste un outil à sens unique (et donc parfois 'à côté de la plaque').
Et je rajouterai une chose: le marketing se doit d'etre proche du terrain car même si internet permet d'avoir une vision des tendances en inde, en Asie ou aux US, rien ne vaut un déplacement sur place pour VOIR la réalité du terrain, quantifier les informations lues, échanger avec les différents acteurs de la chaine...
S.M.
Bonjour,
Merci pour votre propos.
Vous avez effectivement parfaitement raison.
Cela fait partie des évidences qu'il est bon de rappeler.
Le commerce est en effet le résultat d'une rencontre et surtout, pour être durable parce qu'équitable, d'une marque de confiance réciproque. Rien ne remplace alors la rencontre en "vrai".
Je le vérifie actuellement ainsi au Maroc que je découvre.
Bien cordialement,
François Bouteille
Rédigé par : SM | 04 juin 2013 à 14:35
Bonsoir François,
C’est toujours avec plaisir que je prends connaissance de tes analyses. Malgré « l’imprévisibilité des lendemains qui ne chantent» pas forcément tous les jours, subsistent des valeurs comme la fraternité et la solidarité pour lesquelles nous continuons à nous battre quotidiennement et la tâche est loin d’être accomplie.
E.M.
Bonjour,
Il existe en effet deux postures dans la vie professionnelle mais aussi personnelle. Soit considérer que l'on est victime, soit être acteur. Pour ma part, la première ne laisse que peu d'espoir au changement. Quant à la deuxième, elle permet de contribuer à ce changement, même modestement.
De toute manière, je rappelle à qui veut l'entendre que le changement naît toujours d'une minorité agissante.
François Bouteille
Rédigé par : E.M. | 04 juin 2013 à 15:05
(7P+1C)-8I (POUR I=ILLUSION)
En effet, lorsque la mercatique devient totalitaire, bureaucratique, ses techniques d'observation déshumanisantes s'imposent au détriment de la qualité de la relation avec le client final.
Le vendeur devient alors un robot formé à un argumentaire répétitif, utilisant des logiciels et des techniques conçus d'abord pour un retour marketing, souvent au détriment de l'aide à la vente qu'ils devraient comporter en priorité.
J'ai assisté en plus de 30 ans la dépréciation de la qualité des métiers de la vente, et je pense qu'une mercatique mal comprise y a fortement contribué.
Les bataillons de simili-vendeurs mal formés sont venus remplacer les armées d'ouvriers spécialisés dans les métiers de base.
On a pu voir les effets des "méthodes" sur la production industrielle dans notre pays, on commence à assister aux effets désastreux de l'industrialisation de la vente.
Bonsoir,
J'entends votre point de vue et le respecte.
Incontestablement, des abus existent comme en bien d'autres domaines.
Mon point de vue, même si certains me rétorqueront que c'est illusoire, est de considérer qu'en démocratie chaque citoyen est acteur de changement.
De toute façon et de tous temps, le changement est toujours venu d'une minorité agissante.
Je persiste donc, déjà en écrivant et en communicant mon point de vue, que le marketing est un excellent outil pour garantir l'adéquation entre l'offre et la demande hors, encore une fois, les abus dont il peut faire l'objet.
François Bouteille
Rédigé par : R. | 06 juin 2013 à 05:21
Persistez dans cette direction, c'est un veritable plaisir de vous lire.
Rédigé par : Gagner Plus | 25 décembre 2013 à 15:27