En cette période morose, les études montrent que le nombre des recrutements externes diminue au profit de la promotion interne. De plus, pour certains secteurs d’activité en tension, cette solution permet de palier à une pénurie de candidats. Je le constate effectivement chez certains de mes clients. Il m’a semblé intéressant ici de réunir, pour l’entreprise d’une part et pour les collaborateurs concernés, les avantages et les risques que présente une telle stratégie dans le cadre de la gestion des ressources humaines au service du développement de l’entreprise.
Avantages pour l’entreprise
En valorisant ainsi ses collaborateurs, l’entreprise contribue à donner à l’interne comme à l’externe une image plutôt favorable de sa personne. Dans le même temps, elle diminue de manière conséquente le coût de ses recrutements. En effet, elle n'a pas de frais d’annonce, la personne en charge du recrutement passe moins de temps à rechercher les candidats, les frais administratifs sont réduits au minimum et l’entreprise n’a pas d’honoraires de cabinet ou de chasseur de têtes à régler.
Une fois promu à son nouveau poste, le collaborateur est plus rapidement productif qu’une personne venant de l’extérieur car il connaît l’entreprise, sa culture, ses enjeux, ses nouveaux collègues et collaborateurs ainsi que ses hiérarques. Pour toutes ces raisons, les risques d’échec sont moindres. C’est aussi un excellent moyen de retenir et de fidéliser les meilleurs qui tendent autrement à poursuivre leur carrière auprès d’entreprises plus réceptives à leurs ambitions. Parfois les conséquences de ces départs sont dramatiques sur le plan commercial puisque les anciens collaborateurs sont embauchés par des concurrents. Fidéliser les talents c’est aussi pouvoir envisager, en toute confidentialité, l’élaboration et le suivi de projets de développement sur le moyen et le long terme. Sur le plan sociologique, la promotion interne peut permettre de palier au trou générationnel qui tend à se creuser avec les départs en retraite. Sujet plus délicat que de rappeler que lors des négociations qui interviennent fréquemment dans une telle situation, un candidat interne est généralement moins exigeant qu’un candidat venant de l’extérieur.
Avantages pour le collaborateur
La promotion interne constitue un véritable ascenseur social. Elle est vécue comme une deuxième chance par tous les collaborateurs qui n’ont pas eu la possibilité de poursuivre des études longues ou qui, au contraire, ayant obtenu un diplôme, n’ont pas pu jusqu’alors le valoriser. Cette lecture est profondément inscrite dans l’inconscient collectif au point que ceux qui en ont bénéficié font souvent figure d’exemple. C’est donc un facteur important, générateur de motivation pour celles et ceux des collaborateurs qui sont en recherche d’évolution et de reconnaissance dans le cadre de leur plan de carrière. Pour ceux qui sont portés par les valeurs de leur entreprise, c’est une excellente manière de les partager durablement en équipe. Accepter une promotion, c’est également une très bonne façon pour s’enrichir à la fois intellectuellement et matériellement, voire de regagner en intérêt pour le travail confié. Il y a ceux pour qui cette démarche relève d’un nouveau challenge, ce qui leur permet de se réaliser par les responsabilités accrues qui leur sont confiées, la plus grande autonomie dont ils disposent, et l’accès à une gestion plus étendue du pouvoir de décider. La promotion va la plupart du temps de pair avec la mobilité. Là encore, certains la souhaitent pour de multiples raisons : aventure, découvertes, dépaysement, changement, rencontres, …
Les risques pour l’entreprise
Plus le collaborateur s’élève dans la hiérarchie et plus il doit être en capacité de prendre du recul tout en gérant ses émotions. Une personne issue de l’entreprise peut avoir plus de difficulté à y arriver par la connaissance et la proximité qu’elle a établie, parfois de longue date, avec ses anciens collègues devenus ses nouveaux collaborateurs. Du côté de ces derniers, et pour la même raison, le risque de rejet est plus élevé pour des prétextes parfois de simple jalousie ou de communication interne déficiente laissant à penser qu’il s’agit d’un parachutage ou de favoritisme. Ce nouveau responsable peut manquer d’objectivité et d’une forme d’équité dans ses rapports sociaux. En cas de promotion interne, le poste à pourvoir peut ne pas avoir été défini avec suffisamment de précision et, par conséquent, les compétences et capacités du candidat évaluées de manière plus approximative et subjective par sa hiérarchie, en particulier en matière de pratique managériale et de résistance au stress. Par ailleurs, ce choix peut relever d’une forme de renfermement de l’entreprise sur elle-même, portée par la crainte de l’inconnu. Cette alternative peut enfin être désespérée, précipitée ou prise par défaut. De toutes les façons, il faut savoir qu’en cas d’échec, les conséquences seront plus lourdes pour l’entreprise en matière de qualité du climat social que dans le cas d’une embauche externe.
Les risques pour le collaborateur
Il doit être volontaire et accepter en toute liberté de conscience. S’il accepte parce qu’il a peur autrement d’être désavoué, voire, rejeté, il s’inscrit du départ dans une spirale qui le conduira inévitablement à un échec cuisant aux conséquences souvent durables, pour lui-même comme pour l’entreprise. Accéder à un poste disposant de responsabilités plus étendues génère la plupart du temps des conséquences qui peuvent être perçues comme des contraintes telles que la disponibilité ou la mobilité. Cela peut aller jusqu’à une déstabilisation préjudiciable du rapport vie personnelle/vie professionnelle. Il faut savoir également que plus on progresse dans la hiérarchie et plus on est exposé, le droit à l’erreur diminuant d’autant. Au pire, la course peut se terminer dans un placard doré. Accéder à plus de pouvoir c’est donc s’ouvrir à plus de stress et de rapports de force qu’il va falloir assumer et réguler durablement. Cela nécessite la mise en œuvre d’un accompagnement et une gestion transitoire.
Tout ceci me conduit à penser qu’il n’y a pas de situation idéale. Par contre, il est sûr que la promotion interne, pour réussir, quand elle est préférée, doit relever de la reconnaissance partagée d’un double enjeu. Elle doit déboucher, de ce fait, sur un accord équitable et formalisé de nature gagnant/gagnant.
François BOUTEILLE
Bibliographie
L’humain dans l’entreprise – Sacha GENOT – Editions EYROLLES
Gestion des ressources Humaines, pilotage social – Bertrand MARTORY – Editions DUNOD
L’accordeur de talents – Jean Pierre DOLY – Editions DUNOD
Le marketing des Ressources Humaines – Philippe LIGER – Editions DUNOD
Mobilité interne, comment réussir ? – Pierre BULTEL – Editions EYROLLES
Au-delà de la pertinence de votre billet, et en complément, je m'interroge depuis plusieurs années sur les freins socio-culturels qui - en France - freinent au-delà du raisonnable l'accès à des postes de responsabilité et d'initiative qui sont pourtant régulièrement proposés dans les pays anglo-saxons à des jeunes et à des collaborateurs internes dont le niveau et le prestige du diplôme initial sont généralement rédhibitoires chez nous.
Bien cordialement
Philippe de La Houplière
Rédigé par : Philippe de La Houplière | 08 avril 2013 à 17:11