Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais je trouve que l’humour devient au fil des années un objet de plus en plus rarement utilisé au service de notre bien être en général et de notre quotidien professionnel en particulier.
Les raisons semblent multiples qui nous conduisent à nous interdire l’emploi d’un tel mode d’expression. Et pourtant, depuis l’antiquité, Aristote puis Rabelais et bien d’autres ensuite nous rappellent combien l’humour et le rire qui parfois en résulte sont inscrits au plus profond de notre être, au point de distinguer l’homme, à ce titre déjà, du reste du monde animal. Pourquoi donc l’humour nous est-il vital à ce point ?
Humour, qui es-tu ?
Etymologiquement, « humour » vient de « humeur ». Et « humeur » du latin « humor » (cette pirouette littéraire est tout à fait sérieuse !) qui signifie « liquide », terme employé pour désigner tous les fluides corporels. Les médecins d’antan n’appelaient-ils pas ces fluides d’ailleurs aussi « humeurs ».
Quoi qu’il en soit, l’humour est ainsi entendu par les anciens comme un composant indispensable de la vie humaine parce que, comme le sang, il irrigue et nourrit le corps et l’esprit pour qu’ils demeurent en vie. Pour Nietzsche, pessimiste notoire, l’humour est d’autant plus important que l’homme, souffrant de mille mots, a inventé le rire pour ne pas périr.
Serions-nous finalement contraints de gérer un équilibre précaire entre ces deux fluides ? Autre caractéristique de l’humour que d’être un phénomène culturel. Selon l’époque et le lieu, sa définition et son mode d’expression prennent différentes formes.
Bergson, philosophe français, dans son ouvrage « Le rire », pour mieux définir l’humour, le distingue de l’ironie. Cette dernière, de son point de vue, consiste à énoncer «ce qui devrait être en feignant de croire que c'est précisément ce qui est», et l'humour à décrire «ce qui est, en affectant de croire que c'est bien là ce que les choses devraient être. L'humour, ainsi défini, est l'inverse de l'ironie.» Et il ajoute : «Elles sont, l'une et l'autre, des formes de la satire». L’humour est telle une dentelle de Calais, façonnée par des ouvrières attentives, souriantes et méticuleuses.
Humour, à quoi sers-tu ?
L’humour est un trait d’esprit, une composante intellectuelle de et sur soi qui peut, selon son objet, conduire au comique de soi comme à la contestation.
Quant à l'humoriste, selon Gérard Genette, s'il n'est pas nécessairement conciliant, il est toujours au moins détaché, ce qui permet de préserver la plaisanterie et la drôlerie. L'humour reste alors associé à une certaine amabilité. Après tout, la plaisanterie est une forme de politesse. C'est ce qui explique que l'humour soit souvent associé à l'autodérision par l’absurde, puisqu'il permet de se moquer de soi-même sans trop se nuire pour autant, bien au contraire. Regardez avec quel art Charlie Chaplin, Monsieur Hulot ou Mr. Bean, manient avec une rare dextérité l’humour pour nous faire passer tout en finesse des messages de la plus haute importance sur le plan humain. Et leur stratégie fonctionne grâce à l’utilisation subtile de leur pouvoir de conviction ! L’humour est donc un élément facilitant sur le plan communicationnel.
Et puis, s'offrir de son plein gré au rire des autres, c'est aussi se mettre en valeur et se faire plaisir en prenant quelques distances vis-à-vis de son amour propre et de la susceptibilité ou de la sentimentalité qui en résultent parfois à l’excès. Autrement dit, considérer son égo de manière mesurée permet d’aborder de manière plus distanciée paroles, actes et pensées sans se laisser immédiatement submerger de façon ingérable par des émotions essentiellement morbides. L’exercice de l’humour relève ainsi de l’univers spirituel.
Faire œuvre d’humour permet également de préserver, voire, de développer des relations humaines de qualité, génératrices de confiance, loin de toute forme d’agressivité dégradante pour les autres comme pour soi. C’est un fantastique outil de rapprochement des autres, de partage, de (re)médiation au service du meilleur, par le respect des différences gérées dans un état d’esprit tel que tous les protagonistes en sortent grandis.
Oui, l’humour manié avec délicatesse est un style de management à part entière. Car faire preuve d’humour dans l’entreprise, c’est créer des espaces de respiration, surtout dans des périodes difficiles. C’est permettre de nouer des relations de complicité avec ses collaborateurs en dehors des autres registres d’échange.
Enfin, de nombreuses recherches (très sérieuses !) confirment que l’humour est un merveilleux médicament aux mille vertus, surtout quand il permet au rire de s’exprimer de la manière la plus permanente qui soit. Ce dernier déclenche en effet, grâce à des ondes de choc répétées et rapprochées de forte amplitude, des mécanismes musculaires, respiratoires et hormonaux dont l’influence agit sur tout l’organisme et conduit à un confort accru, souvent oublié ou mis à rude épreuve (douleurs diverses, arthrite, stress, insomnie, troubles digestifs et cardiaques, obésité, asthme,… ).
Mieux encore, les travaux de l’endocrinologue américaine Myriam Diamond tendent à démontrer que le rire rend durablement intelligent. Les endorphines produites favoriseraient en effet le développement neuronal, contrevenant ainsi pour partie aux effets dévastateurs du vieillissement en ce domaine. De là à penser que rire permettrait d’accéder aux chemins de l’éternité il n’y a qu’un pas…
D’autres chercheurs préconisent 10 minutes de rire par jour pour avoir une bonne hygiène de vie. Les Français passeraient aujourd’hui moins d’une minute à rire contre 6 minutes en 1983 et 19 minutes en 1939.
L’humour serait-il malade ? Si tel est le cas, réservons-lui une place de choix aux côtés de la gravité de la situation que nous traversons. Je suis convaincu qu’il nous aidera à surmonter les épreuves qui nous attendent encore, loin de toute forme d’utopie illusoire ou de fatalité stérile.
François BOUTEILLE
Bibliographie
- L’humour pour les nuls – Gordon Zola – Editions Générales First
- Histoires d’humour et de sagesse – Antony de Mello – Editions Albin Michel
- Ou on va Papa ? – Jean Louis Fournier – Editions Stock
- Le sens du rire et de l’humour – Daniel Sibony – Editions Odile Jacob
- Manager avec humour – Lionel Bellenger – Editions ESF
- Petit traité de l’humour au travail – David Autissier – Editions Eyrolles
Si je ne trempais chaque jour plumes et pinceaux dans les encres multicolores de mes "humeurs", j'aurais depuis longtemps abandonné ce monde corrompu de l'Art dit "Contemporain" !
Bien cordialement,
Bernard
Rédigé par : Maricau Bernard | 27 janvier 2013 à 06:00
Oui, gros débat, sujet large, voir philosophique. Notion en cours de disparition par la lobotomisation massive.
Pour ma part, je pratique l'humour froid afin d'évaluer si en face de moi est un humain ou une bêêête.
L'humain cultivé devient aussi rare que l'humour.
L'humour subtil à différents degrés a besoin d'un public ayant une culture générale. Sans cela c'est du comique bien lourd et non de l'humour.
Crdlt
Rédigé par : PP | 27 janvier 2013 à 19:08
Bonjour François,
Je trouve qu’il manque bcp d’Humour dans les entreprises, voir mêmes de sourires qui pourraient être interprétés...
Lors de mes, nos activités avec les chevaux nous remarquons que les choses se décoincent, les chevaux permettent à chacun de vivre ses émotions qui les transforment...
Ainsi, les sourires pointes et souvent les rires suivent... ou...
Rédigé par : J | 28 janvier 2013 à 14:51
Bonjour François,
Tout d’abord félicitation pour tes apartés qui sont toujours très intéressants.
Est-ce que c’est l’humour qui est malade ?…..Pour autant, il revient en force sur le petit écran et il n’y a jamais eu autant de candidats pour le métier d’humoriste.
Ce qui est sûr c’est que la société change et que de ce fait l’humour revêt des formes très différentes au fil du temps.
Aujourd’hui c’est une actualité noire, sans lendemain pour nos jeunes, qui nous accapare et nous occulte les instants drôles qui passent à côté de nous.
Peut-être que je suis à « côté de la plaque » comme on dit, mais est-ce que c’est vraiment l’humour qui est malade ?
Bien cordialement,
Rédigé par : DP | 28 janvier 2013 à 14:53