Il y a six ans déjà, j’évoquai dans ces mêmes colonnes les vertus de l’intelligence économique, comprise comme l’ensemble des actions de capitalisation et de valorisation de toutes les informations utiles à un acteur économique. Je ne peux que constater l’actualité toute particulière de ce concept. Qu’il concerne des chefs d’entreprise, des responsables administratifs, associatifs ou des élus locaux. Nous sommes en effet passés de l’utilité à l’absolue nécessité de disposer d’une telle veille stratégique parce qu’elle fonde désormais toute démarche dite commerciale propice à la performance globale recherchée. Qu’elle soit destinée à des clients, des usagers, des patients, ….
D’où l’idée de cet article dont l’ambition est de vous aider à la mettre concrètement en œuvre ou
à l’optimiser.
Un triple objectif
Comme je l’ai précisé ici, il s’agit bien d’une veille et non pas seulement d’un exercice ponctuel réalisé à l’occasion de tel ou tel évènement (business plan, demande de prêt, …). Le dirigeant ou un collaborateur mandaté par lui, compétent pour ce faire et disposant des moyens nécessaires (temps imparti, bases de données, …) doit s’y employer à une juste fréquence, établie en fonction des caractéristiques du marché. Et comme nous en comprendrons la raison plus loin, une telle démarche interdit toute forme de sous-traitance. Partie de là, cette veille stratégique doit cibler trois objectifs :
Elle informe à temps le décideur sur l’évolution des marchés : Nous savons que ce qui caractérise principalement notre environnement est son évolution constante autant que turbulente. Qu’il s’agisse des évolutions des marchés (marché sur lequel est positionnée l’entreprise comme ceux qu’elle pourrait pénétrer, en croisant pour ce faire les produits et l’implantation géographique de leur élaboration) que des choix des concurrents. Tout ceci afin de préserver, mieux encore, de développer en permanence son leadership.
Elle contribue à protéger le patrimoine entrepreneurial : Combien de fois ai-je dû rappeler à des dirigeants combien il était important qu’ils déposent au plus vite auprès de l’INPI ou d’autres structures compétentes toutes leurs innovations (par le biais de brevets, marques, modèles, contrats de licence, droits d’auteur, …) s’ils ne voulaient pas qu’elles soient rapidement récupérées par des concurrents peu scrupuleux sur le plan éthique autant que doués en affaires.
Elle permet de développer son pouvoir d’influence : Des entreprises bien informées sur les évolutions probables de leur marché peuvent développer leur lobbying par l’élaboration de dossiers destinés à influencer à leur profit les décideurs politiques. L’édition de livres blancs en est un bon exemple.
Un processus organisé de la gestion de l’information
Il ne s’agit surtout pas de partir en tous sens, récoltant tout et n’importe quoi, au risque d’engorger très vite le système. La méthode préconisée comprend quatre étapes chronologiques et cycliques :
Définir ses besoins : Michael PORTER, professeur en stratégie d’entreprise, a identifié cinq forces qui, d’après lui, commandent les évolutions du marché : les concurrents directs, les nouveaux entrants, les clients, les fournisseurs et les produits ou services de substitution. Cela nécessite alors l’activation d’une veille en quatre domaines : technologie, concurrence, commerce et environnement, selon des
thèmes majeurs propres à l’entreprise au vu des spécificités de ses marchés.
Rechercher l’information : Ce sont les thèmes prioritaires d’investigation qui permettent d’identifier les sources d’information pertinentes, connaissances disponibles et tendances annonciatrices de possibles changements. Il s’agit de signaux forts ou faibles et de recoupements entre eux qui demandent donc une attention toute particulière. Les sources sont dites formelles (presse généraliste, économique et professionnelle ; ouvrages ; bases et banques de données ; dépôts de brevets ; informations légales ; études publiques et privées ; sites web ;…) ou informelles (informations orales transmises par des collaborateurs, des clients, des fournisseurs, des concurrents, des partenaires, des stagiaires ou des candidats ; informations glanées sur des expositions, des salons, lors de séminaires ou de colloques ; blogs, hubs et forums sur Internet, …). Les premières émettent généralement des signaux forts confirmant les tendances actuelles alors que les secondes diffusent plutôt des signaux faibles permettant de capter des informations plus confidentielles sur les tendances à venir.
Certains préfèrent un autre mode d’agencement des informations, parlant d’informations blanches lorsqu’elles sont diffusées sans restriction, d’informations grises lorsqu’elles sont émises dans un cercle restreint et enfin d’informations noires lorsqu’elles dépendent d’une démarche de captation dite clandestine, voire, illégale. Il résulte de tout ceci que 80% des informations nécessaires sont de couleur blanche ou grise.
Nous aborderons le mois prochain les deux autres étapes que sont les modalités de traitement et de diffusion de l’information ainsi que le management qui en résulte et la structure qu’il nécessite.
Ainsi, grâce à la veille stratégique que vous initierez ou développerez, vous pourrez porter en retour un regard éclairé sur votre passé, votre actualité autant que votre avenir et faire ainsi preuve d’une vigilance structurée comme d’une créativité responsable de tous les instants au service de votre développement.
François BOUTEILLE
Bibliographie
Maîtriser et pratiquer la veille stratégique - Laurent HERMEL - Editions AFNOR
L'animation de la veille stratégique - Salima KRIAA - Editions H.S.P.
L'intelligence économique - Eric DELBECQUE - Editions PUF
Guide pratique de l'intelligence économique - Christian COUTENCEAU - Editions EYROLLES
Commentaires