En l'espace de quelques semaines, plusieurs organisations représentatives du monde des entreprises et des collectivités territoriales m'ont chacune demandé d'intervenir à l'occasion du colloque qu'elles organisaient sur le thème du management.
Preuve, à ne pas en douter, que ce qui avait pu être considéré jusqu'alors comme un acte banal du quotidien prenait désormais, par ces temps troublés, une importance toute particulière pour celui qui dirige ou qui est dirigé et surtout pour ceux qui veulent avancer ensemble.
Dans ma chronique de février 2003, je vous avais relaté les grandes étapes expliquant la rapidité avec laquelle le management avait évolué au cours du 20ème siècle.
Aujourd'hui, je vais surtout essayer, très synthétiquement, de vous faire partager l'état de mes réflexions pour qui veut tendre vers une pratique managériale réussie.
Chaque thématique demanderait force détails que je m'emploierai bien volontiers à développer ultérieurement, selon vos souhaits.
Le management, un outil au service du projet
Le management est en effet un moyen mais en aucune façon un objectif en soi. Cela signifie que tout un travail d'identification des besoins solvables exprimés par l'environnement, de positionnement en retour et d'organisation aura été préalablement réalisé.
Le management est en somme la réunion des méthodes qui permettent de mettre en mouvement la structure et d'en garantir pour bonne part le développement durable sans trop de heurts préjudiciables à sa cohésion.
Le management, un métier à part entière
Si l'expérience probante de certains dirigeants les conduit à avoir confiance en leur intuition, manager ne relève en aucune façon de quelque empirisme ou improvisation que ce soit. Il serait fortement désobligeant, voire, dangereux pour les hommes et femmes concernées que de l'entreprendre ou de le subir ainsi.
Objet complexe, il fait en effet à la fois appel à des valeurs personnelles, des compétences et des qualités humaines précises qu'il convient d'identifier et d'acquérir chaque fois que nécessaire.
Le management, un processus cyclique
Chaque situation qui mobilise une personne ou une équipe doit conduire celui qui en a la responsabilité managériale à dérouler un processus adapté en cinq temps : observation, analyse, action, explication et évaluation pour revenir à l'observation de manière enrichie. Sortir de ce cycle plus ou moins long selon les circonstances rencontrées peut conduire rapidement à une prise de risques élevée par déshérence.
En somme, la réflexion et l'explication doivent toujours présider à l'action. Bien évidemment, plus du temps aura été consacré de manière permanente à la réflexion stratégique et plus les actions pourront être engagées rapidement avec une forte probabilité de réussite.
Le management, 15 tâches pour 1 mission
Définir l'acte de manager relève d'une complexité plus grande que cela ne paraît de prime abord. Le Baldrige National Quality Award, récompense décernée aux USA aux Collectivités Publiques reconnues pour l'excellence de leur management, définit ce dernier en quinze tâches :
- Le manager s'implique personnellement,
- Il développe une vision pour la structure qu'il gouverne,
- Il pense en système,
- Il planifie,
- Il définit la qualité du point de vue du client
- Il implique les fournisseurs,
- Il mesure,
- Il améliore la performance,
- Il benchmark,
- Il simplifie,
- Il construit des équipes,
- Il intègre dans la collectivité les nouveaux salariés,
- Il accroît le pouvoir de décision de ses collaborateurs,
- Il forme et il implique tout le Personnel.
La globalisation de cette approche me paraît d'une grande pertinence.
Le management, un acte unique
Par la force des choses, chaque acte à teneur managériale relève de circonstances qui en font son unicité.
Il est en effet à chaque fois le résultat de la personnalité du manager (ses convictions), additionnée à la celle du ou des personnes managées, ajoutée enfin aux caractéristiques de la situation rencontrée.
De fait, construire une réponse universelle applicable en toutes circonstances serait le plus sûr moyen d'échouer.
Les 4 principaux types de management
Fort des conditions rappelées succinctement plus haut, il me semble que quatre principaux types de management peuvent être identifiés. Chacun correspond à une situation particulière et spécifique de la vie d'un groupe au travail.
- Le management directif a essentiellement pour objet de mettre en sécurité la structure comme celles et ceux qui y travaillent. Loin de toute forme de paternalisme, d'autoritarisme ou d'autocratie, il relève momentanément du commandement, structuré autant que structurant. Il permet alors rapidement et clairement au groupe de mettre en œuvre les réponses les plus adaptées. Un temps sera ensuite consacré au débriefing pour tirer tous les enseignements propices à améliorer pour plus tard la performance une nouvelle fois attendue.
- Le management participatif reconnaît en chaque collaborateur une personne ressource qui peut coopérer à l'élaboration de solutions adaptées par l'avis qui lui est proposé de donner parfois (concernant des tâches, objectifs, projets). Il ne s'agit ni de cogestion ni d'autogestion auxquels je ne crois plus mais bien d'un processus intégratif au sens humaniste du terme.
- Le management délégatif va plus loin en intégrant l'organisation de la structure. Le manager, considérant les ressources propres à sa fonction et ses limites, identifie celles et ceux de ses collaborateurs qui disposent justement des ressources techniques et relationnelles complémentaires nécessaires à l'atteinte des objectifs qu'il a fixés. Sa philosophie de travail consiste alors à s'entourer de spécialistes, sa mission relevant de l'énoncé des résultats attendus et du contrôle pendant et à terme de leur conformité, laissant à chacun une autonomie bienveillante pour le choix des moyens à mettre en œuvre.
- Enfin, le management informationnel qui est transversal aux trois précédents. C'est lui qui garantit le sens et donc la compréhension de ce qui est attendu (fable des trois tailleurs de pierre). Il conduit ainsi chacun à disposer de l'ensemble des informations qui lui sont nécessaires pour accomplir, de la meilleure façon qui soit, le travail qui lui a été confié, que ce soit le manager comme les personnes managées.
Loin de prétendre résumer en quelques lignes une discipline aussi complexe, j'espère que cette courte évocation aura participé à votre réflexion sur le sujet.
En fin de compte, le management relève d'une démarche permanente, pensée et équilibrée. Là est le plus contraignant. Surtout quand des tensions externes ou internes se manifestent de plus en plus fréquemment dans tous leurs excès, mettant à mal l'intelligence et la sensibilité qui doivent présider au bon exercice de ce métier.
François BOUTEILLE
Coaching & médiation
Bibliographie
Manager son équipe au quotidien - B. DIRIDOLLOU - Editions d'Organisation
La boîte à outils du management - Patrice STERN - Editions DUNOD
La boîte à outils du management – Patrice STERN – Editions DUNOD
Les fondamentaux du management – Michel BARABEL – Editions DUNOD
Management et communication – 100 exercices – D. CRISTOL – ESF Editeur
Comportements humains et management – F. ALEXANDRE – Pearson Education
L'avenir du management – Peter DRUCKER – Pearson Village Mondial
Manager par le sens – David AUTISSIER – Editions d'Organisation
Cher Monsieur,
Pour faire écho à votre dernier propos concernant le management, je me permets de vous faire part de ma propre réflexion sur ce point.
Dans les cinq temps du processus de management, vous signalez, à juste titre me semble t-il, les deux premier temps comme étant ceux de l’observation et de l’analyse. Ces points me paraissent en effet cruciaux, dans un environnement économique qui ne se contente plus d’être en perpétuel changement, mais où le rythme lui même du changement s’est brutalement accéléré, et où la visibilité en toutes choses est réduite à quelques semaines. Ce n’est donc pas tant l’environnement (au sens global) de l’entreprise qu’il convient d’observer mais les modifications permanentes de cet environnement pour tenter d’y déceler une tendance et des perspectives.
En ce sens le « court-termisme » (pardon pour cet affreux néologisme) ambiant s’oppose de manière fondamentale à un réel processus managérial. Il est donc vital, pour un manager, de pouvoir s’en détacher, ce qui signifie qu’il doit être capable d’une prise de recul d’autant plus difficile qu’il est entouré de collaborateurs dont le rôle est de « faire » et qui sont donc en permanence dans l’action.
J’aime à ce sujet citer Kurt von Hammerstein, dont les réflexions toutes militaires n’en sont pas moins parfaitement applicables à mon sens au domaine de l’entreprise, si on veut bien de ne pas se contenter de leur tournure simplificatrice :
« Je distingue quatre espèces. Il ya les officier intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux.
Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major.
Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90% de toute armée et sont aptes aux tâches de routine.
Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles.
Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres »
Qui se complète par :
« Débarrassez-vous du travail de détail. Ayez pour cela quelques gens intelligents. Mais laissez-vous beaucoup de temps pour réfléchir et pour parvenir avec vous-mêmes à des idées tout à fait claires. C’est seulement ainsi que vous pourrez commander judicieusement »
Permettez-moi enfin, une critique amicale, que mon amour pour la langue française ne me permet pas de laisser passer sans réaction : si le mot benchmark est à la mode, il a son parfait équivalent dans la langue française sous les termes de comparaison ou d’étalonnage. Mais il est vrai que ces derniers font à la fois moins savant et moins tendance…
Merci encore pour vos billets toujours intéressants.
Cordialement,
Rédigé par : PDLH | 01 novembre 2011 à 20:03