Quand nous abordons ce sujet, je suis souvent étonné de constater à quel point le thème de la concurrence révèle encore l'entreprise avec laquelle je collabore à son ignorance sur ce sujet. Et comme l'ignorance est génératrice de peurs irraisonnées, les attitudes qui en résultent conduisent le chef d'entreprise à vouloir exterminer cette concurrence comme si elle lui était systématiquement nuisible. Essayons plutôt de lever ici, au moins partiellement, le rideau pour découvrir tout ce qu'elle peut nous réserver plutôt de prometteur.
La concurrence, objet de régulation social
Pour bien en comprendre la teneur, je pense que la meilleure manière de l'aborder est de partir de la demande des clients. Il convient de disposer pour soi d'une approche marketing structurée autant que permanente permettant d'étudier finement son marché et l'évolution qu'il peut connaître. Qui en effet conçoit un produit ou un service avec l'intime conviction (donc non vérifiée) que ce qu'il a élaboré sera acheté (ce que j'appelle le syndrome du concours Lépine) ne s'intéresse pas à la nature des besoins tels que les expriment les consommateurs et risque de faire chou blanc. Il lui sera alors encore plus difficile d'identifier dans cet environnement, parce qu'il l'ignore, les concurrents qui y sont présents, au-delà du procès d'intention qu'il leur fera, par principe, au nom de leur simple existence. Convenus comme des adversaires, le seul recours dont disposera ce dirigeant sera de vouloir éliminer physiquement tous ceux qui lui ressemblent pour rester seul et unique et donc forcément attractif pour sa (future) clientèle. Grave erreur car, en réalité, loin d'être un phénomène incident à éradiquer, la concurrence dispose de ses écoles de pensée qui l'inscrivent sur le plan sociétal de manière pleine et entière dans l'histoire des entreprises et de leur devenir. Elle relève également d'un cadre législatif vivant grâce à une jurisprudence qui l'enrichit sans cesse. Yann ALGAN le confirme en écrivant : "La confiance mutuelle et le civisme sont essentiels au bon fonctionnement des marchés car ils facilitent une concurrence pacifique et équitable".
Reconnaître la concurrence comme vertueuse et l'entretenir ainsi est donc essentiel à la qualité des rapports sociaux et donc à la réussite des entreprises qui en résultent.
La concurrence, objet de compétitivité
De plus en plus de commandes de clients sont d'un volume tel qu'elles deviennent inabordables pour une seule PME/PMI. Par contre, des accords partenariaux équitables peuvent permettre à des entreprises œuvrant dans le même domaine de répondre à des sollicitations à fort potentiel, tant sur le plan économique qu'en terme de notoriété.
Ce jeu d'alliances peut également avoir un impact favorable face aux fournisseurs disposant d'une situation de quasi monopole ou d'un rapport de force commercial défavorable aux entreprises de par l'évolution rapide du prix des matières premières. Il est en effet plus facile d'obtenir une remise sur un volume important par capitalisation à plusieurs des achats. J'ai recommandé à ce titre à plusieurs clients de se regrouper en centrale d'achat.
D'autre part, même si je convie chaque client à mieux maîtriser ses coûts, connaître la concurrence c'est disposer en plus d'indications déterminantes lui permettant de se positionner encore plus finement sur son marché par ajustement de ses prix et de ses conditions de vente.
Enfin, certains de vos supports de communication peuvent disposer de liens permettant à vos clients et prospects de découvrir, grâce à vous, l'offre de vos concurrents, preuve de l'assurance que vous avez de vos arguments sur le plan qualitatif et de votre capacité à conseiller.
La concurrence, source de progrès
Elle pousse en effet les entreprises à adapter en permanence leurs produits et leurs services aux attentes actuelles et futures de leurs clients. Dès l'instant où les réponses n'existent pas, elles ont pour obligation d'en imaginer de nouvelles propices à leur développement et surtout à leur pérennité. Mieux encore, cette compétition conduit chaque entreprise à contribuer au progrès, tant sur le plan économique que social. Certains modèles économiques d'où la concurrence était bannie ont démontré à l'inverse toute leur faiblesse en conduisant parfois même à certaines formes de régression en matière de solutions préconisées, en particulier sur le plan technique et technologique.
De la reconnaissance à la connaissance
Une fois la concurrence reconnue pour toutes ces vertus, faut-il apprendre à mieux connaître le contexte concurrentiel dans lequel baigne votre entreprise. La méthode dite de PORTER vous permet de l'étudier avec efficacité. Elle comprend cinq niveaux de réflexion :
L'évaluation de l'intensité de la concurrence : pour ce faire, vous devez analyser entre autre ses lieux d'implantation, les produits et services de chaque concurrent, ses parts de marché, ses forces et ses faiblesses, sa stratégie de vente, sa notoriété, etc… Internet, les réseaux sociaux et certains logiciels spécialisés sont aujourd'hui des outils d'une puissance et d'une exhaustivité fantastiques pour obtenir rapidement une foule d'informations, sans oublier les bases de données traditionnelles comme INFOGREFFE, l'INPI, les Chambres Consulaires, les salons et bien d'autres encore. Et n'oubliez surtout pas d'interroger aussi vos clients.
L'identification des possibles nouveaux entrants : entreprises souhaitant, par exemple, se diversifier et disposant d'atouts tels que leur expérience en d'autres domaines ou sur d'autres territoires.
L'estimation de la pression des fournisseurs : leur structuration éclatée ou concentrée a un impact important sur les conditions d'achat présentées à leurs clients comme nous l'avons vu plus haut.
L'estimation de la pression des clients : au-delà de l'expression de leurs besoins, la capitalisation de leurs attentes et exigences comme la connaissance de leur pouvoir de négociation sont déterminants pour vous.
La menace possible d'arrivée de produits de substitution : cela vous évitera de réaliser des investissements préjudiciables au devenir de votre entreprise.
Pour toutes les raisons évoquées ici, plus que d'espionner vos concurrents ou de vouloir les tuer, je vous convie désormais à veiller constamment sur eux… comme à la prunelle de vos yeux. En effet, vos concurrents sont vos meilleurs alliés comme vecteurs privilégiés d'informations vous intéressant et partenaires de choix en certains cas.
François BOUTEILLE
Coaching & médiation
Bibliographie
Management stratégique de la concurrence – Frédéric LE ROY – Editions DUNOD
L'avantage concurrentiel – Michael PORTER – Editions DUNOD
La morale de la concurrence – Yves GUYOT – Editions AMC
La concurrence imparfaite – Jean GABSZEWICZ – Editions la Découverte
Droit de la concurrence déloyale – Michel TOPORKOFF – Editions GUALINO
La politique de la concurrence – Emmanuel COMBE – Editions la Découverte
La libre concurrence en procès – Jean Michel GOGUE – Editions L'Harmattan
Passionnant ! Merci, François, de ce numéro exceptionnel.
Y.P.
Rédigé par : Y.P. | 26 juin 2011 à 16:42
bien vu
l'émulation n'est pas d'humilier l'autre pour prendre sa place mais de nous obliger à se hisser sans complexe . Se tirer vers le haut pour se prouver à soi-même qu'on peut faire bien.
comme tu le dis les peurs servent à paralyser et donc à être soumis . Tout la contraire des "Indignés" opérants et cherchants .
De toutes façons on ne pourra sortir de la crise et de l'indignité de ce système que par l'éthique comme valeur dynamique
R.D.
Rédigé par : R.D. | 26 juin 2011 à 16:44
Bonsoir et merci François pour tes mots. Ils tombent à pic dans une histoire, non économique mais plutôt du domaine musical que je vis actuellement avec qq. autres. Quel monde!
Je te souhaite un bel été et espère qu'à la rentrée nos chemins se croiseront à nouveau.
B.C.
Rédigé par : B.C. | 26 juin 2011 à 16:45
Le patron de la société dans laquelle j'ai passé 23 ans avit l'habitude d dire : " La concurrence fait vendre " . Un bon résumé de sa nécessité pour le progrès économique .
Amitiés
J.P.A.
Rédigé par : J.P.A. | 27 juin 2011 à 16:57