Au fil de cette mutation que nous connaissons en bien des domaines, la liberté d'entreprendre a-t-elle encore un sens, un avenir ?
Doit-elle relever d'une nécessité ou plutôt d'une envie ? Cette rentrée est un moment privilégié de questionnement pour qui veut mieux agir. Plus que de révéler un doute, cette interrogation est le préalable indispensable pour l'Homme qui veut consolider son projet de vie, gage d'épanouissement individuel et collectif.
Mais avant tout, de la précision des concepts employés et du pragmatisme de la méthode utilisée résultera, j'en suis personnellement convaincu, notre capacité à mener une réflexion digne de ce nom au service de la mise en oeuvre ensuite d'actions positives et efficaces. D'où la modeste contribution que je vous propose.
La liberté, un concept construit tout en nuances
La liberté tout d'abord, qu'est-elle ? Statue emblématique posée à l'entrée du port de New York, premier pilier de notre République, elle relève d'une complexité certaine à être identifiée dès que l'on s'y intéresse vraiment. Même s'il est convenu qu'elle représente une valeur sociale et sociétale essentielle.
Pour illustrer cette difficulté, le philosophe et journaliste Raphaël ENTHOVEN, lors de son intervention remarquée autant que remarquable dans le cadre de la récente Université d'été du MEDEF, en proposa six définitions non exclusives laissées à la discrétion de chacun :
- "Il n'est pas de liberté sans obstacles qui la révèlent". Clara ROJAS, incarcérée pendant six ans par les FARC en Colombie, confirme qu'elle a pris conscience de son importance vitale dès lors qu'elle n'y avait plus accès.
- La liberté peut être également entendue comme de "faire ce que l'on veut". C'est en somme ce que d'autres qualifient de libre arbitre. Mais n'est-ce pas qu'une illusion ?
- A l'inverse, elle peut être de "vouloir ce que l'on fait". Mais n'est-ce pas laisser place à une forme de lucidité fataliste et peu optimiste.
- C'est "l'art de devenir ce que l'on est". Ceci conduit à promouvoir la spontanéité, au risque d'erreurs qui pourraient en résulter.
- Nous connaissons bien sûr cette définition qui consiste à l'identifier par ce qu'elle n'est pas : "la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres". Le risque étant de recentrer la liberté sur soi dans l'indifférence alors d'autrui.
- Autre proposition qui appartient à Pierre Kropotkine, penseur russe du début du XXème siècle et qui disait à l'inverse que "la liberté des uns commence où commence celle des autres". Approche éminemment solidaire puisque révélant une aptitude toutes particulière de compassion et de bienveillance pour les autres.
On comprend dès lors que cette complexité à la définir relève du fait que la liberté appartient avant tout au monde des émotions dans toute leur subjectivité et leurs différents modes d'expression. Elle demande alors sur le plan sociétal à être gérée par le droit pour en éviter les dangereux excès.
Entreprendre, ou comment allier, pour le meilleur, rêve et réalité
Je retiendrai trois notions essentielles qui me paraissent caractériser ce second concept :
- La volonté de passer de la pensée à l'acte (de l'abstrait au concret),
- Un temps nécessaire d'expérimentation, convenu comme objet de validation au service de l'amélioration d'une situation,
- La mise en oeuvre d'un cycle complet de production.
On retrouve là encore ces couples indissociables de l'envie et de la nécessité, de l'imagination et de la raison. Il s'agit en fait d'un acte subtil, mêlant sagesse et détermination dans un savant équilibre,
loin des excès auxquels prétendent certains pour qui seul "faire des coups" compte. Entreprendre doit nécessairement relever de l'éthique et donc de l'entretien impérieux d'une réflexion par l'entrepreneur sur les valeurs fondatrices qui guident ensuite son action.
Sénèque, célèbre philosophe romain, disait à ce sujet : " Nous devons procéder à notre propre examen avant de passer à celui des tâches que nous allons entreprendre". Mais entreprendre est conditionné surtout par la capacité à disposer d'une vision optimiste de l'avenir. Yvon GATTAZ écrivait à très juste titre : "Il est indispensable d'espérer pour entreprendre". Autrement dit, entreprendre est une pulsion de vie qui pousse durablement en avant celui dont le coeur bat ainsi.
Liberté d'entreprendre autant qu'entreprendre la liberté
Associer dans cet ordre liberté et entreprendre ne suffit pas, ne suffit plus, pour qui veut élaborer une démarche épanouissante, individuelle et collective à la fois. En effet, les excès du monde de la finance internationale que le plus grand nombre s'emploie enfin à condamner démontrent que la liberté d'entreprendre ne peut plus être assénée comme relevant seulement du libre arbitre, tel un postulat de départ. Nous convenons aujourd'hui et, je le regrette, bien tardivement, compte tenu des dégâts considérables et durables constatés, que de ne pas préciser pour tous ce que doit entendre cette formulation est dangereux, voire, irresponsable.
C'est pourquoi, de mon point de vue, si toute entreprise, entendue comme contribution visant à l'amélioration de l'existant, doit être promue, les conditions de sa mise en oeuvre doivent être précisées et surtout respectées ensuite. En ce sens, être libre, comme cela a été rappelé plus haut, n'autorise pas à faire n'importe quoi, encore moins quand c'est au détriment d'autrui. Il en va en effet du devenir de
l'humanité.
Oui, entreprendre relève de la nécessité, pour qui veut contribuer activement et de manière sensée à une société du progrès sur le plan à la fois économique, social et environnemental.
Mais il est dans le même temps tout aussi capital de considérer ce que doit et ce que ne peut plus être la liberté. Pour toutes ces raisons, liberté d'entreprendre et entreprendre la liberté sont désormais irrémédiablement liés.
Loin d'une intention que certains pourraient qualifiée de seulement intellectuelle, je suis convaincu que procéder ainsi sera le meilleur garde fou aux excès dont la plupart d'entre nous se serraient bien dispensé pour devoir en payer à présent et durablement les conséquences.
Bien cordialement,
François BOUTEILLE
Coaching & médiation
Etre libre c'est aussi à mon sens accepter d'être pleinement responsable de ses actes ou pensées.
Dans ce sens la liberté d'entreprendre implique la responsabilité de l'entrepreneur face à la société, ce qui lui redore un blason un peu terne ces temps-ci.
Rédigé par : Luc | 22 septembre 2009 à 19:56