Aparté n°111 29/06/2009
Le courage en trois mouvements
Je vous propose en effet depuis quelques mois de garnir cette caisse à outils ou trousse de secours (selon la perception que vous en avez) qui doit permettre à l'entreprise que vous dirigez et à chacun de ses membres de passer ce cap aux contours tourmentés autant qu'inconnus. Péninsule que nous croisons soudainement et dont nous craignons qu'elle soit prolongée en sa partie immergée, celle que nous devons justement emprunter, par des hauts fonds ou, tout au contraire, des passes abyssales aux violentes et imprévisibles manifestations.
En somme, cet événement, par tout ce qu'il comporte d'inhabituel et d'inconnu, tend à nous faire viscéralement peur. Pour qualifier cette situation, nous lui avons donné le nom de "crise", terme ô combien évocateur de nos tourments, fruit de ces menaces avérées ou supposées.
Trois postures s'offrent alors à nous : fuir en rebroussant chemin, nous abandonner au hasard (pour peu qu'il existe) ou faire front. Même si elle peut paraître rassurante, la première stratégie me paraît illusoire pour qui espèrerait en un tel cas renouer à l'identique avec un passé qui, par nature, n'existe définitivement plus, hors des souvenirs. La seconde conduirait, à ne pas en douter, au renoncement de soi, et donc au respect de cette intégrité vitale que l'on prénomme dignité ou respect de soi. Il ne reste alors plus que la troisième voie et son aménagement. Et c'est là que le courage trouve tout son sens par l'efficacité qui en résulte. Plus qu'une vertu, je le définirais plutôt comme un trait de caractère. Il désigne en effet cette capacité à surmonter la peur pour faire face au danger ou plus généralement à l'adversité.
Loin de toute forme d'audace ou de témérité qui de mon point de vue n'a rien à voir, le courage conduit celles et ceux qui en font preuve à prendre, en toute conscience, suffisamment de recul pour opérer une démarche porteuse d'espoir et de vie.
Le mouvement qui en résulte me semble s'organiser en trois étapes successives :
1. Reconnaître, quand elles se manifestent, ces peurs que suggèrent les circonstances du moment,
2. Relativiser leur raison d'être par une meilleure compréhension,
3. Oser les surmonter en entreprenant ce qui est nécessaire.
Là est construite cette démarche que je qualifie de courageuse.
Se reconnaître des peurs
Il n'y a pas de honte à avoir peur. Bien au contraire, la peur comme l'inquiétude ou l'angoisse sont autant de signaux d'alerte. Pourtant, le champ de la morale mal comprise ou notre éducation (en particulier chez les garçons) tend, à grand renfort d'amour propre, à nous les faire délibérément ignorer comme l'expression d'une force de caractère attendue.
Je crains de dire que c'est tout l'inverse. Apprendre à ressentir ces sensations est un excellent moyen pour apprendre à mieux se connaître et donc se respecter tout en se fortifiant.
Dans les circonstances que nous traversons, je convie donc les managers à prendre le temps nécessaire pour exprimer leurs peurs comme à favoriser l'expression de celles que ressentiraient éventuellement leurs collaborateurs. En fin de compte, pour qui est en recherche d'efficacité, exprimer un problème de cette nature est la meilleure façon de pouvoir le prendre ensuite réellement "à bras le corps".
S'expliquer ses peurs
Ressentir ses peurs comme indications d'une situation anormale et pouvant mettre en danger est une chose. Se laisser passivement envahir par ces mêmes peurs en est une autre. Aussi est-il indispensable d'entreprendre un rapide travail d'introspection pour mieux comprendre leur(s) origine(s) et ainsi relativiser leur raison d'être. En effet, encore une fois, l'éducation que nous avons reçue, la culture dans laquelle nous avons été élevés peuvent nous conduire de manière instantanée à donner plus d'importance que de raison aux conséquences résultant d'un événement nous touchant.
Je relève régulièrement chez certaines personnes combien le devoir d'excellence dans lequel elles se sont inscrites leur interdit tout droit à l'erreur. Aussi, quand malgré tout cette erreur se produit, génère-t-elle chez son auteur un véritable vent de panique. Il s'agit en l'occurrence de ne pas sous ou sur estimer la peur ressentie mais bien de tenter de la jauger à sa juste mesure. De surcroît, ce bref temps d'analyse "à froid" permettra plus facilement d'ébaucher des scénarios alternatifs permettant ainsi de contribuer à dédramatiser cette situation pour le moins inconfortable (Par exemple, n'y aurait-il pas d'autres issues?) en se donnant par là-même quelques possibilités de s'en extraire favorablement.
Transcender ses peurs
Troisième temps caractérisant l'acte de courage que de savoir surmonter ses peurs. La meilleure façon d'y arriver est bien de se fixer des objectifs ambitieux autant que réalistes, c'est-à-dire des objectifs de juste mesure qui allient désir et nécessité.
En somme, se projeter délibérément dans l'avenir en cet instant, tel un élan vital du cœur, pour alors contrarier cet immobilisme apeuré.
Ainsi s'établit-il enfin cette brise de liberté qui permettra à chacun de s'extraire, tel le nouveau né, de cette passe difficile qui, jusqu'alors, lui paraissait insurmontable.
Comme Périclès (stratège et homme d'Etat athénien) l'exposait à ses compagnons il y a pas mal d'année déjà (2500 environ) : "Il n'est point de bonheur sans liberté et de liberté sans courage."
L'atteinte progressive de ces nouvelles perspectives comme autant d'îles aux promesses exquises sera la meilleure preuve que les raisons d'avoir eu peur du fatidique néant n'ont plus lieu d'être.
Platon (philosophe grec de la même époque), quant à lui, disait :"Le courage est la connaissance de ce que l'homme doit craindre et de ce qu'il ne doit pas craindre".
C'est donc en période de crise que l'homme courageux prend le risque d'entreprendre avec intégrité et volonté pour le meilleur quand d'autres se résolvent à attendre passivement le pire ou n'attendent d'ailleurs plus rien.
Pour terminer cette courte escapade, permettez-moi de vous rapporter les propos du poète et chanteur québécois, Félix LECLERC : "Il y a plus de courage que de talent dans la plupart des réussites".
Alors, bon courage !
Bien cordialement,
François BOUTEILLE
Coaching & médiation
Cher Monsieur,
Une fois encore, merci pour votre chronique !
Comme le dit le bon sens populaire « la peur n’évite pas le danger ». Et si tout ce que vous dites est juste, je fais pour ma part le constat que les dirigeants qui connaissent le plus cette peur sont bien souvent ceux qui – quelle que puisse en être la raison – n’on pas pris le temps de « sortir le nez du guidon » pour construire un véritable projet d’entreprise. Chaque situation de tension les voit en situation de peur car ils ne sont pas réellement au pilotage de leurs entreprises sur la base d’un cap et d’une stratégie construits et réfléchis. J’en tire évidemment la leçon qu’il nous appartient, dans notre rôle de conseil, d’inciter nos clients chefs d’entreprises à réfléchir à leur projet d’entreprise et à le construire lucidement. « Il n’y a point de vent favorable à celui qui ne sait où il va » (Sénèque).
Petite remarque de forme : second ne s’emploie que lorsqu’il n’y a pas de troisième, sans quoi il convient d’utiliser deuxième. Comme beaucoup d’autres hélas, cette règle de « bonne pratique » de la langue française est en déshérence. Ce n’est pas grave en soi, juste dommage !
Cordialement,
P.D.L.H.
Rédigé par : FB | 30 juin 2009 à 11:38
Bonjour François,
Cet aparté m’a semblé intéressant au niveau de la reconnaissance, de l’explication et du « surmontage » de ces propres peurs, ce qui, par les périodes difficiles traversées par PE est très compliqué.
Merci pour vos encouragements et à bientôt.
D.P.
Rédigé par : D.P. | 01 juillet 2009 à 11:55
Bonjour François,
Je viens de lire ton dernier APARTES, que j’ai particulièrement apprécié.
Surtout le passage sur les peurs,
J’aime particulièrement travailler avec mes clients sur les peurs, toujours porteuses de désirs et donc de dynamique pour l’avenir
Une fois exprimée, nous pouvons passer à la phase projet,
Est-ce que les femmes qui expriment plus facilement leurs peurs sont plus maitres de leurs vies que les hommes ???
Exprimer une peur c'est aussi savoir s’entourer ?
LE BIENFAIT DES PEURS : Je crois que là il y a matière à creuser dans mon coin
Et peut être toi aussi pour un prochain apartés,
Ds l attente du plaisir de le lire un jour
Amitiés
K.C.
Rédigé par : K.C. | 02 juillet 2009 à 18:15