Aparté n°100, 28 juin 2008
Le thème que je vous propose d'évoquer aujourd'hui a donc trait à la promotion interne. En effet, je constate qu'il revient de plus en plus souvent dans les préoccupations de mes clients. Mais par quel bout le prendre ? Une fois de plus, derrière un processus qui paraît de prime abord d'une simplicité évidente, se cachent en réalité de multiples enjeux selon l'endroit où l'on se place et le point de vue que l'on défend, qui en expliquent la complexité bien réelle.
Je veux déjà témoigner ici du nombre impressionnant des dirigeants de PME/PMI qui, en tous secteurs d'activité, recherchent désespérément les collaborateurs qui leur manquent. Non plus uniquement pour asseoir leur développement mais déjà pour sauver leur volume d'activité en le maintenant, loin donc de toute tentation de productivité accrue par réduction de leurs effectifs.
Et cela est encore plus vrai lorsque l'on s'intéresse aux fonctions d'encadrement auxquelles conduit généralement cette promotion interne dont c'est le principal objet. Nous savons aujourd'hui combien l'évolution démographique de notre pays, conjuguée à la dépréciation de certaines filières techniques, a contribué à cet état de tension du marché de l'emploi par la pénurie de nombreuses compétences.
Plus que jamais, la promotion interne apparaît alors comme l'un des derniers recours du dirigeant pour résoudre ce problème crucial de trouver des candidats extérieurs adéquats. Reconnaissons qu'elle a tout de même du bon puisqu'elle lui permet normalement de gagner du temps et de réduire certains risques liés à l'embauche.
De ce fait, gravir les échelons est sans doute plus facile qu'autrefois. Selon un récent sondage réalisé par Accountemps, 60% des dirigeants interrogés pensent que les entreprises sont plus susceptibles de pratiquer la promotion interne qu'elles ne l'étaient voici trois ans.
Mais pour réussir, elle doit surtout résulter d'un intérêt mutuel entre un salarié, pour lequel elle est une étape décisive dans la carrière et une entreprise attachée à gérer et fidéliser ses collaborateurs au service de sa compétitivité.
Car il ne suffit pas de la décréter pour qu'elle abonde de tels objectifs. Il apparaît ainsi que six facteurs essentiels doivent être réunis pour créer les conditions propices à ce passage aux fonctions d'encadrement :
Du côté du collaborateur :
- Tout d'abord, chaque salarié concerné doit être volontaire tout en ayant développé les capacités propres à ce genre de mission (délégation, autonomie, sens des responsabilités et de l'organisation, qualités relationnelles, etc…). Je connais en effet des situations où le salarié s'est vu proposé une telle promotion qu'il a finalement acceptée à son corps défendant. Peur de décevoir ? Pressions de sa hiérarchie ? Définition de fonction incomplète ? Toujours est-il qu'au bout de quelques temps, les résultats furent tels que sa réintégration dans sa fonction précédente fut décidée d'un commun accord. Force est de constater que dans les situations qu'il me fut demandé de gérer, c'est toute la dimension managériale qui avait été sous estimée, tant du point de vue de l'entreprise que du salarié. Ce dernier découvrait par exemple à son grand désagrément que ses collègues étant devenus ses collaborateurs, les relations de travail ne pourraient plus être les mêmes. Ce à quoi il n'était pas prêt autant qu'il n'avait pas été préparé.
- Ensuite, la promotion ne doit pas être un acte "désespéré" ou "insensé" commis dans l'urgence et seulement par défaut. C'est bien la concrétisation d'une reconnaissance acquise au fil du temps, le plus souvent auprès de la hiérarchie de proximité, en occupant successivement de nouvelles missions. Pour autant faut-il que cette reconnaissance ait fait l'objet d'un cadre structuré et donc structurant. La réalisation régulière d'entretiens individuels d'activité dignes de ce nom est la meilleure réponse qui puisse être apportée en de telles circonstances. Ces temps privilégiés doivent permettre d'identifier pragmatiquement compétences (savoir-faire), capacités (savoir-être), motivations et formations éventuelles pour atteindre le niveau supérieur.
- Enfin, pour des raisons évoquées plus loin, j'invite les candidats qui envisagent une telle évolution dans leur plan de carrière à se faire connaître et reconnaître de leur hiérarchie sans attendre d'être sollicité.
Du côté de l'entreprise :
- Il faut déjà qu'existe une culture favorable à cette pratique de la gestion des ressources humaines portée généralement par son dirigeant. J'ai pu constater que cette sensibilité variait souvent en fonction de la taille, du secteur d'activité de l'entreprise et de la pratique managériale impulsée par son dirigeant. Je dois malheureusement rappeler combien trop de chefs d'entreprise n'envisagent déjà pas suffisamment à l'avance leur propre succession. Une toute récente étude confiée à KPMG a fait apparaître que si 73% des cédants sont âgés, 44% seulement des dirigeants interrogés ont planifié la transmission de leur entreprise. Pour de multiples raisons facilement compréhensibles, la promotion interne est l'une des ressources à privilégier en de telles circonstances, loin de tout fatalisme.
- Au risque de l'évidence, il faut ensuite un événement déclencheur, une opportunité liée à la vie de l'entreprise, que ce soit un poste laissé vacant par le départ d'un salarié ou créé à la faveur d'une réorganisation ou dans le meilleur des cas lors d'une période de croissance.
- A l'entreprise enfin de le faire savoir grâce à une communication structurée : affichage des postes ouverts, règles du jeu pour postuler, règles de traitement des candidatures, durée de la période d'adaptation, obligation du décideur d'expliquer son choix, éventuelles modalités d'aide, formations et accompagnement proposés, etc…. Il convient en effet aujourd'hui de prêter plus d'attention au management et à la gestion qu'à la seule excellence technique comme cela a été longtemps le cas.
Mais mieux encore, je suis convaincu que pour enrichir le capital connaissance de l'entreprise et éviter la fuite des talents, il devient indispensable de mettre en œuvre un véritable dispositif de mobilité transversale interne, vecteur privilégié de la culture de l'entreprise au service de la performance.
François BOUTEILLE
Coaching & médiation
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